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"Le marcheur ébloui" - article revue Cimaise

Il va droit vers le jour turbulent. Il avance, nu. Le tropisme de l'ardeur le commande. La marche peut-être saut ou ascension. Elle peut être attrait du versant caché d'une montagne, attrait du côté sourd du ciel. Côté que l'on n'a jamais vu.
Il marche l'homme d'Ehrhard. Il bondit. Il se fonde sur une cartographie stellaire, cosmique, fasciné par l'espace insaisissable. Fasciné par la profondeur de l'horizon inaccessible.
Nu, il marche, fragile dans son humanité, fragile et lourd et pourtant effleurant à peine l'espace. L'espace ne se sépare pas d'une profondeur révélée de la matière.
Le mouvement est l'être même. Qui ne se confond pas avec les choses proches mais avec celles qui sont au-dessus, derrière, au-delà. Qu'il faut dépasser comme il faut dépasser l'immensité de la nature sans nom. La nature-nuit ou la nature-jour.
Cette nuit qui boit le monde possède, pour l'homme, la même fonction d'exaltation ontologique et de soutien que pour Baudelaire la splendeur des années profondes, pour Hölderlin la paix lumineuse des dieux grecs.
Fond du jour qui se place devant le marcheur. Fonds brassés de la terre et du ciel et l'homme seul, nu qui marche justement pour abolir tout ce qui n'est pas, d'une façon rassurante, le ciel où la terre. Ici et là-bas, pressentiment de la totalité du monde au lointain le moins saisissable le plus ardent.

Claude Bouyeure
In Cimaise n°230 - juin 1994

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