"Couleurs tam tam" - article journal Ouest France
Cela s'appelle " La Première Porte du Paradis", " Personne n'est Innocent", " L'Idole", " Le Deuxième Salut", et, dès votre entrée dans la Galerie de l'Epée, cela vous saute au visage, comme une coulée de chaud quand vous mettez les pieds sur le continent africain. Une Afrique que Dominique Ehrhard revisite pour vous. En rouge flamboyants, en bleus profonds, en jaunes-savane, en vert- forêt, crachant leurs couleurs tam-tam sur une armée de personnages hiératiques et fiers, guerriers aux torses nus, femmes lointaines, mangé par les lumières multiples d'un ruissellement végétal.
Gare au choc : aux murs, palpitent des silences brûlants, des espaces balayés de vents de sable et de pluies tropicales. Une drôle de jungle, à la fois violemment expressionniste et complètement rêvée, bouillonnant d'une force vitale, irrésistible. Carambolages ironiques, tendrement féroce et faussement nostalgique, d'images d'Épinal, d'aventures exotiques en technicolor, de B.D. emballées.
La peinture de Dominique Ehrhard n'est pas de celle qu'on accroche dans la quiétude des salons feutrés. Résolument de son temps, elle s'éclate en cadrages inattendus et, souvent en trois dimensions. Sur toiles, plantées de branches d'arbres comme des bois pétrifiés, mais aussi sur lame de verre, sur tôles découpées, sur lambris juxtaposés à la verticale, sur papier empalé à la pointe de bambous, sur emballages de carton... Avec, en prime, un humour grinçant, illustré, par exemple, par cette cible de foire noyée dans le scintillement des aplats, sur le cœur même d'un chasseur.
Jean Théfaine
In Ouest France 17 mai 1988